Visiting scholar TPTI : Lucie K. Morisset

Du 08 au 17 avril et du 28 avril au 18 mai 2024#Visiting scholar

Lucie K. Morisset, Université du Québec à Montréal, Canada.

 

Je suis titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain et professeure au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal. Je visiterai l’équipe de Padoue du master TPTI pendant quatre semaines en avril et en mai 2024.

Formée au Québec (Canada) en histoire de l’art, en histoire de l’architecture et en anthropologie, je suis devenue historienne de l’urbanisme en complétant mon doctorat en 1996 à l’Université de Brest (France) sur la cité d’Arvida, au Québec. Cette « ville de compagnie » ou ville industrielle planifiée, jadis capitale mondiale de l’aluminium et toujours active aujourd’hui, revient depuis périodiquement dans mes travaux (tout comme l’aluminium d’ailleurs, autour duquel j’ai fait la connaissance du professeur Marco Bertilorenzi, de l’équipe du master TPTI). Je m’intéresse aux ensembles urbains créés par l’industrialisation et à l’habitat ouvrier, particulièrement au XXe siècle (ce qui m’a permis de connaître le professeur Giovanni Luigi Fontana, auparavant rattaché au master). Mes travaux portent aussi sur les théories et les politiques du patrimoine et sur le développement territorial stratégique (strategic community development), ainsi que sur les relations entre le paysage construit et l’identité culturelle, qu’elles soient portées par le tourisme, engendrées par la création architecturale ou investies dans la patrimonialisation, par exemple.

Je travaille donc à la fois en recherche fondamentale et en recherche-action avec des gouvernements, particulièrement des municipalités. Mes travaux actuels s’articulent avec le programme de recherche 2022-2029 de ma Chaire, sous le titre « De la protection à la relation. Représentations, effets et gestion du patrimoine bâti en contextes postindustriel et postcolonial » et je suis cochercheure du groupe transnational Deindustrialization and the politics of our time, dans le cadre duquel j’essaie tout particulièrement d’analyser le patrimoine comme un moyen de réparation ou de guérison des personnes et des communautés exclues ou marginalisées par les fermetures industrielles. Cette idée de considérer les effets du patrimoine (sociaux, écologiques, économiques et fonciers, etc.) plutôt que l’inverse (c’est-à-dire, le patrimoine subissant les effets d’autre chose, du développement par exemple) m’anime tout particulièrement, notamment dans une perspective de justice sociale et autour d’une proposition théorique sur laquelle je travaille présentement, celle du « droit au patrimoine ».

Tout cela veut dire que j’aborde le patrimoine industriel simultanément sous deux aspects : le rôle qu’il peut avoir dans notre société et sur nos territoires, mais aussi, au fondement de ce rôle éventuel, la connaissance de ses formes et de son développement, local ou international. L’histoire de l’architecture et de l’urbanisme est le langage avec lequel je parle aux communautés que j’accompagne. Je travaille ainsi à l’histoire d’ensembles architecturaux et urbains, d’une part, et à l’histoire de ce que j’appelle des « projets patrimoniaux », c’est-à-dire des initiatives individuelles ou collectives qui ont, souvent en réutilisant des immeubles, réinscrit le patrimoine dans notre monde contemporain : j’examine alors les valeurs, les politiques, les acteurs et, bien sûr, les effets.

Puis, parce que l’héritage industriel du XXe siècle a pour particularité de non seulement témoigner du passé, mais d’être aussi porteur de mémoires et d’expériences toujours vivantes dans l’imaginaire collectif, je m’intéresse aussi à la parole de ses témoins : elle constitue une occasion privilégiée, me semble-t-il, de rapporter dans le présent nos discours sur l’histoire et, pour soutenir le rôle social, économique et écologique du patrimoine aujourd’hui, de favoriser la participation de tous à sa valorisation. Le projet « Mémoires d’Arvida », collecte de récits de vie de résidants et de résidantes de longue date, s’inscrit dans cette perspective. C’est à cette enseigne que j’ai aussi entrepris de constituer une archive des acteurs du patrimoine industriel, ce pour quoi je collecte ce qu’on appelle des « récits de pratique », sans lesquels nos récits sur le patrimoine industriel resteraient incomplets : il s’agit, en somme, de maximiser le sens, la valeur et l’usage de cet héritage incroyablement riche qui parsème notre monde et de montrer que tous peuvent contribuer à cette valeur.

Pendant mon séjour à Padoue, j’espère toucher à ces différents aspects : découvrir la forme d’ensembles urbains et architecturaux légués par l’industrie et saisir leurs enjeux de revitalisation, en tant que « projets patrimoniaux », recueillir les récits de pratique d’acteurs du patrimoine industriel italien, enquêter sur les effets du patrimoine (tout particulièrement de l’inscription au patrimoine mondial, qui me semble être un cas extrême) et communiquer les tenants et les aboutissants de ces recherches, ainsi que d’une plateforme de spatialisation numérique, l’Atlas du patrimoine urbain, que je travaille présentement à mettre sur pied pour y partager de telles informations.

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