Webminar 2022-2023
Espaces de sociabilité
La sociabilité a été définie par Maurice Agulhon comme les « systèmes de relations qui confrontent les individus entre eux ou qui les relient en groupes, plus ou moins naturels, plus ou moins contraignants, plus ou moins stables, plus ou moins nombreux ». Si la catégorie était déjà bien connue des chercheurs en sociologie, son appropriation par les historiens français a conduit à la publication durant ces dernières décennies de toute une série de travaux novateurs. Il est particulièrement intéressant de réfléchir à leurs cadres physiques historiquement définis, qui ne sont plus considérés comme des espaces neutres n’ajoutant ou ne retranchant rien à l’action sociale, économique ou culturelle, mais comme des lieux capables de révéler la structure, les tensions ou les conflits, ou encore les continuités d’une société, d’un groupe social, d’un système économique ou d’un courant culturel à un moment historique précis. En effet, l’analyse des lieux de sociabilité formelle, structurés dans des statuts et ayant une existence légale (par exemple, les casinos, les clubs ou les associations culturelles ou récréatives, ouvrières ou populaires), mais aussi ceux de sociabilité informelle, non légalement établis, spontanés et que l’on peut observer sur la place publique, au marché, à la gare, au théâtre ou au cinéma, ou encore à la taverne ou au café, est éclairante. Dans tous ces cas, la disposition de l’espace, le mobilier, les matériaux de construction eux-mêmes ou la décoration sont strictement liés à leur fonctionnalité sociale et historique, renforçant leurs fonctions de stimulus social ou, à l’inverse, tentant leur régulation et leur contrôle social.